Le Sergent Bertrand, monstre vampire.

Le Sergent Bertrand, monstre vampire. Partie 4 de 6

Les vampires ne sont pas tous comme ceux dans les films. Ils sont pour la plupart humains, mais avec des penchants extrêmes. Certains font du cannibalisme, d’autres sont nécrophiles et bien d’autres. Et voici le cas du Sergent Bertrand.

Quatrième Partie.

Suite de ma déclaration :
« Les affaires de février 1848 survinrent. À partir de ce jour, le régiment ne fit que voyager et ne rentra à Paris qu’aux journées de juin. M’étant trouvé détaché dans un village aux- environs d’Amiens, je ne suis arrivé à Paris que le 17 juillet.

Après quelques jours de repos, le mal me revint plus violent que jamais.

Nous étions au camp d’Ivry; pendant la nuit, les sentinelles étaient très rapprochées et leur consigne était sévère; mais rien ne pouvait m’arrêter.

Je sortais du camp toutes les nuits pour aller au cimetière Montparnasse où je me livrais à de grands excès.

La première victime de ma fureur fut une jeune fille dont je dispersai les membres après l’avoir mutilée… “

Commentaire :
Le passage est marqué par les conseils de MeCartelier, mon avocat, un quinquagénaire au bras droit paralysé, ce qui est bien nuisible aux effets de manche.

Ii m’avait instamment recommandé deux choses : la première, de ne montrer aucune couleur politique tout en laissant entendre que j’étais dans les bonnes idées. D’où le paragraphe sur mon absence de Paris au moment des troubles de juin réprimés par Cavaignac. La seconde, de gazer le plus possible le côté sexe des circonstances. ” De la fureur, de la mélancolie, de l’inconscience » me répétait Cartelier, « mais pas de penchant pour les jeunes et jolies défuntes ».

Le camp d’Ivry était un morne assemblage de baraquements où, depuis l’insurrection ouvrière, des soldats vivaient confinés. Par bonheur, les prérogatives de la compagnie hors rang subsistaient, me permettant de fréquentes sorties dans la journée. J’en profitais pour me rendre au cimetière Montparnasse et je m’y promenais assidûment.

Il m’arrivait parfois d’être la cible de l’une de ces créatures vénales, fausses veuves, fausses orphelines, venant recruter des pratiques dans les allées. L’une, debout devant la tombe d’un supposé mari, couvre ses yeux d’un mouchoir et feint des sanglots au passage d’un bourgeois qu’elle a distingué pour son air naïf. L’autre, pauvrement vêtue, mais d’allure décente, s’est agenouillée sur une dalle. Elle pousse des petits cris plaintifs et tombe à point nommé dans les bras d’un gogo en gémissant : « seule au monde et sans ressource, je n’ai plus qu’à te rejoindre, pauvre maman! »

Je n’ai jamais été dupe de ces indignes comédies.

J’avais décidé de ne plus me fier au hasard. Je suivais les enterrements dans le but de m’informer sur la personne que l’on ensevelissait. Le souvenir de Juliette me tourmentait, me chauffait le sang…

Nuit du 25 juillet 1848, nuit d’amour avec Marie de T., seize ans, un visage de madone, un corps virginal orné de toutes les séductions.

J’ai escaladé avec une merveilleuse agilité le haut mur de l’enceinte.

Le disque lunaire illumine de sa subtile clarté la chapelle où Marie dort sa première nuit.

J’approche à pas de loup. L’ombre du mausolée me protège; je force la porte en fer forgé; j’entre dans le sanctuaire où je demeure un instant immobile afin de m’assurer qu’aucun gardien ne rôde aux alentours.

Je me penche. À l’aide de mon sabre-poignard, je fais jouer la dalle du caveau. Elle cède et je la range sur le côté.

Je me glisse à l’intérieur, étroite cavité où ne se trouve qu’un seul cercueil. J’en caresse avec émotion le bois précieux; puis je reprends mon sabre et soulève sans peine le couvercle.

Trésor incomparable, Marie est là, radieuse, impressionnante comme une déesse.

Je la saisis dans mes bras, je la retire de son écrin capitonné, je la porte sur mon épaule jusqu’à l’air libre et je l’étends avec précaution sur le gazon.

Je la contemple, tremblant d’adoration. Elle a les cheveux noirs partagés en nattes qui retombent sur les épaules; sa bouche est entr’ouverte, laissant voir des dents brillantes comme des perles du plus pur orient. Détail charmant, un de ses seins s’est découvert dans les mouvements du transport. J’en baise le bout rose avec respect, puis j’embrasse tout le visage, m’attardant plus longuement sur les lèvres encore souples.

Je serre sa main glacée dans la mienne et murmure à son oreille : « Petite Marie, je t’ai arrachée au tombeau pour t’offrir ton unique nuit d’amour! »

Il me semble entendre sa voix me répondre :
« Prends mon corps, courageux inconnu, je te l’abandonne, il est à toi seul désormais. »

Bouleversé, je me recueille un moment, puis je me déchaîne. Le corps est bientôt nu sous la froide lumière où sa peau devient une soie, une soie que je froisse entre mes doigts impatients. On dirait qu’il s’ouvre de lui même, tel un fruit mûr, tandis viens m’insérer au plus doux de sa chair pour en prendre possession.

Alors, c’est une féerie. Toutes les cloches se mettent à sonner, les tambours à rouler; les étoiles dansent, la terre tout entière tangue et bascule dans l’infini…

ACTE D’ACCUSATTON

Le 25 avril dernier, M. Gillet, chef du dépôt des machines du chemin de fer d’Orléans, eut le malheur de perdre une petite fille âgée de sept ans et dix mois, qui fut inhumée au cimetière d’Ivry.

Le lendemain matin, alors qu’il était encore en proie à toute sa douleur, on vint lui apprendre que la tombe de sa fille avait été profanée, que son corps avait été ouvert, et l’on ajoutait que l’on avait volé ses effets d’habillement.

Il se rendit immédiatement chez M. le maire d’Ivry, qui déjà avait eu connaissance de cette profanation par la déclaration que le sieur Pillet, fossoyeur, était venu faire au commissaire de police de cette commune.

Le sieur Pillet déclarait qu’il avait, selon l’usage, procédé à l’inhumation de cette enfant en présence du père même et des parents, qu’il avait rempli la fosse de terre, n’avait quitté le cimetière qu’après s’être assuré que tout était parfaitement en ordre.

Mais le lendemain matin, à l’ouverture des portes, faisant sa tournée ordinaire, il fut, dit-il, excessivement surpris de voir que la fosse où était enterrée la demoiselle Gillet n’était plus dans le même état où il l’avait laissée, que les terres avaient été remuées; présumant qu’il y avait violation de cette tombe, le sieur Pillet alla en rendre compte à l’adjoint au maire d’Ivry qui, après.avoir reconnu que la bière renfermant ie corps de l’enfant était brisée, et le cadavre retiré aux trois quarts du cercueil, constata que le ventre et l’estomac étaient entièrement ouverts du haut en bas, et qu’une partie des intestins était sortie du corps.

On rechercha comment l’auteur de cette profanation avait pu s’introduire dans le cimetière.

On remarqua que, du côté du nord, où la clôture se trouve en planches, il existait des traces de boue sur une des planches, ainsi que sur la barre qui sert à tenir cette clôture.

11 n’y eut plus de doute, c’est par cet endroit que le profanateur mystérieux s’était introduit dans le cimetière.

Gillet père informa M. le procureur de la République de la Seine, et porta plainte contre les auteurs présumés de la profanation de la tombe de sa fille.

Aussitôt, ce magistrat prescrivit les recherches nécessaires, mais elles restèrent sans résultat.

M. Reinas, médecin à Ivry, déclara que ce n’était pas la première fois que de semblables violations avaient été faites, que déjà plusieurs fois il avait été appelé à constater les mêmes faits.

L’une de ces violations, portant les mêmes caractéristiques, avait été commise dans le cimetière du Sud.

Une petite fille, d’une douzaine d’années, avait été déterrée; son ventre était ouvert et les intestins étaient enlevés.

Sur la révélation de ce fait, le commissaire de police du quartier du Luxembourg se rendit sur les lieux, où il apprit que c’était pendant la nuit que l’on s’était introduit dans le cimetière, en escaladant les murs.

Dans la tranchée formée pour la fosse commune, une fouille avait été pratiquée par une main habile, dit le procès-verbal du commissaire, pour exhumer une bière que l’on avait emportée à quelques mètres de la fosse; les deux planches supérieures étaient brisées et le cadavre était à quelques pas.

C’était celui d’une jeune fille nommée Marie-Caroline enterrée depuis trois jours.

Ce cadavre était déjà dans un état de putréfaction que les chaleurs de l’époque, au mois de juillet, avaient provoqué; il était vêtu d’une chemise, de bas, et enveloppé d’un linceul, avec un chapelet passé au bras droit. I1 reposait sur le feuillage. Le profanateur avait ouvert l’abdomen par une légère incision longitudinale, laissant voir une partie des intestins.

À côté, et à quelque distance, était un autre cercueil; c’était celui d’une femme de trente-huit ans, inhumée depuis huit jours. Le cadavre portait la même incision, et de mêmes natures que
des jeunes filles,

En poursuivant leurs recherches, les magistrats reconnurent que la fosse réservée aux victimes de l’insurrection de juin avait été fouillée en plusieurs endroits, que deux cercueils n’avaient été pas été déplacés.

C’est en montant sur deux acacias situés à l’extrémité du cimetière que le coupable avait pu franchir le mur et pénétrer au milieu des sépultures les moins anciennes. Ces deux arbres portaient des traces de son passage; les clous de sa chaussure étaient empreints dans leur écorce, et semblaient indiquer la direction qu’il avait prise pour se frayer un passage sur le mur d’enceinte. On ne savait comment découvrir l’auteur de ces profanations, ni sur qui faire planer les soupçons.

De nombreux renseignements parvenaient à l’autorité; mais parmi toutes les révélations qui furent faites, et qui donnèrent lieu à des arrestations préventives, il en est une qui concerne un garde national de la 3e légion de la banlieue.

On avait remarqué, dit le révélateur, que le sieur G…, étant de garde au théâtre de la Gaîté, à Montrouge, s’absenta furtivement entre onze heures et minuit, et que, lorsqu’il revint, il exhalait une forte odeur cadavérique; il avait la face considérablement enluminée et les yeux fortement animés.

Le sieur G…, mandé devant le commissaire de police, ne put recouvrer sa liberté qu’après avoir justifié de tout l’emploi de son temps pendant son absence nocturne du poste.

D’autres arrestations eurent lieu sans plus de succès.

Source : Diable, démons et Vampires. Édition : Poche Sélect. 1977

En savoir plus sur Vincent Deroy

Depuis août 2012, je fouille sur le web à la recherche des cas paranormaux les plus étranges pour le site www.paranormalqc.com dont je suis le Rédacteur en chef. Handicapé de naissance, j'ai aussi été secrétaire-trésorier du musée de mon village pendant 6 ans et demi.

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