En date du 28 novembre 2014.
Europe, l’un des satellites de Jupiter, posséderait un océan souterrain qui pourrait abriter des oasis de vie microbienne, voire des organismes bien plus évolués.
Portrait d’Europe, l’un des quatre principaux satellites naturels de Jupiter, assemblé à partir d’images obtenues, en 1995 et en 1998, par la sonde Galileo (NASA). Le rendu des couleurs est très proche de ce que nous verrions à l’œil nu. En blanc et en bleu, les régions où l’on trouve essentiellement de la glace d’eau relativement pure. Les teintes brunâtres qui rehaussent les fractures de la croûte de glace proviennent de matériaux divers qui se sont déposés sur la glace à la suite de remontées de glace plus chaude, d’eau liquide ou de vapeur. La résolution est de 1,6 km par pixel. Cliquez sur l’image pour l’admirer en grand format et la télécharger.
© NASA/JPL-Caltech/SETI Institute
La NASA vient de diffuser une nouvelle version du portrait d’Europe, l’un des quatre principaux satellites naturels de Jupiter, réalisé à partir d’images prises par la caméra SSI de la sonde américaine Galileo en 1995 et en 1998. Les couleurs sont pratiquement celles que nous verrions à l’œil nu si nous pouvions admirer ce corps céleste en nous rendant sur place d’un coup de vaisseau spatial, ce qui reste fort peu probable dans un futur proche ! Cette mosaïque nous rappelle l’existence des merveilleux fonds iconographiques approvisionnés depuis des décennies par les sondes qui explorent le Système solaire. L’amélioration des moyens de traitement numérique nous permet aujourd’hui de découvrir Europe comme nous ne l’avions jamais vu, la précédente version de cette mosaïque (voir ci-dessous) ayant été préparée il y a près de 15 ans pour un usage scientifique avec un contraste des couleurs fortement accentué afin de mettre en évidence les stries, les craquements et les fissures qui bouleversent la surface de ce satellite jovien.
Baignés par le flot continu d’images de synthèse que diffusent les innombrables écrans qui nous entourent à longueur de journée, nous en venons parfois à oublier la splendeur naturelle du monde et l’importance des trésors visuels glanés par les engins que nous avons envoyé à la découverte de notre environnement cosmique. La beauté de ce globe bleuté veiné d’ocres nous rappelle que la réalité est toujours plus époustouflante et plus à même de faire naître des émotions intenses que les inventions des scénaristes de films de science-fiction et les réalisations des meilleurs graphistes. Notre imaginaire est stimulé par l’apparence de ce globe, qui évoque le réseau de veines entrelacées d’un fond d’œil ou une sorte de tissu biologique, ou par la profusion de ces arabesques infinies qui font ressembler Europe à un palimpseste glacé dont la surface aurait été mille fois grattée et recouverte au fil des âges. Et ce manuscrit planétaire nous raconte une histoire fascinante, l’histoire d’un petit corps éloigné du Soleil qui pourrait bien être le meilleur endroit du Système solaire, en dehors de la Terre, pour trouver une vie microbienne active, voire des organismes bien plus évolués, comme ces vers ou ces crevettes qui pullulent dans l’obscurité absolue régnant autour des sources chaudes dans les profondeurs océaniques terrestres.
Sur les fonds océaniques terrestres, à plusieurs milliers de mètres de profondeur, des bactéries sont capables de se développer autour de sources d’eau très chaude en tirant leur énergie de la chimiosynthèse. Des variétés de crevettes (Rimicaris hybisae) vivant en symbiose avec ces bactéries peuvent alors prospérer. Les scientifiques imaginent que de tels écosystèmes pourraient exister dans l’océan souterrain d’Europe.
© Chris German/WHOIS/NSF/NASA/ROV Jason C : 2012 Woods
Les observations réalisées par les instruments des nombreuses sondes qui ont fréquenté l’orbite de Jupiter depuis le début des années 1970 ont permis de comprendre que la croûte de glace que nous voyons enveloppe très probablement un océan d’eau salée que la chaleur émanant du cœur d’Europe permet de maintenir liquide depuis des centaines de millions, voire des milliards d’années. Ce satellite d’une dimension plutôt modeste – 3 130 km de diamètre contre 3 476 km pour la Lune – circule en effet sur une orbite légèrement elliptique à près de 671 000 km de Jupiter. C’est moins de 2 fois plus loin que la Lune autour de la Terre et Jupiter est beaucoup plus volumineuse (143 000 km de diamètre équatorial) et 318 plus massive que la Terre. Les conséquences en terme de forces de marées ressenties par Europe sont majeures et ce corps est pour ainsi dire malaxé par l’attraction gravitationnelle intense de Jupiter, ce qui entretient un échauffement interne capable de faire fondre partiellement la couche de glace d’eau qui l’enveloppe. L’épaisseur de la croûte serait inférieure à une dizaine de km et elle pourrait flotter, comme une banquise globale, sur un océan d’eau salé d’une centaine de km de profondeur abritant un volume d’eau plusieurs fois supérieur à celui de tous les océans terrestres.
Coupe d’Europe devant Jupiter (illustration). La chaleur provenant du cœur et de la partie rocheuse de cette lune réchauffe la couche de glace qui l’enveloppe et les scientifiques pensent qu’elle permet l’existence d’un océan souterrain d’eau liquide salée, surmonté d’une fine croûte de glace.
© NASA-JPL
L’interaction de l’eau liquide avec les minéraux du plancher océanique, ainsi que la chaleur surgissant du sous-sol pourraient avoir été les moteurs de l’apparition d’une vie aquatique complexe, comme cela s’est produit sur la Terre. Toutefois, à la grande différence de notre planète, l’océan d’Europe est encapsulé, fermé par une croûte à la manière d’un gigantesque aquarium, et chacun sait qu’il peut être très délicat de maintenir l’équilibre vital d’un aquarium sur une longue période. Alors, même s’il est séduisant d’imaginer qu’il existe des oasis de vie autour des sources d’eau chaude et des souffleurs noirs qui ponctuent peut-être les fonds océaniques d’Europe, il est encore bien trop tôt pour en avoir la certitude et d’autres sondes devront être envoyées afin de poursuivre l’enquête in situ. La prochaine est d’ores et déjà programmée par l’ESA : JUICE, pour JUpiter ICy moons Explorer, sera lancée en 2022 et elle atteindra Jupiter en 2030. Elle se consacrera alors à l’observation d’Europe, de Ganymède et de Callisto. Elle ne déposera aucun module à la surface d’Europe ou de l’une de ses voisines, mais elle effectuera des survols très proches pour obtenir des images à haute résolution et, pourquoi pas, pour capter et analyser des matériaux projetés dans l’espace par des jets de vapeur d’eau du type de celui qui a été observé en décembre 2012. Si cette vapeur provient directement de l’océan souterrain, elle sera potentiellement chargée de matière biologique et il est plaisant de penser que l’Europe pourrait découvrir que la vie existe sur (sous) Europe !
Vidéos sur le sujet réalisées par le JPL et la NASA
Les commentaires sont en anglais, mais les images parlent d’elles-mêmes.