Une petite maison avec une terrasse au nord de l’Angleterre. Là, régulièrement, une enseignante à la retraite remplit son épuisante tâche. Des heures durant. Stella Horrocks attend dans son fauteuil un carnet à la main le moment où l’esprit d’un auteur disparu prendra contact avec elle.
Soudain, le stylo qu’elle tient dans la main droite commence à bouger. Bientôt, il glisse sur le papier, tandis qu’apparaissent les mots, au rythme quelquefois de 200 à la minute.
Parmi les auteurs qui lui ont dicté ses travaux, Stella Horrocks compte de grandes figures de la littérature mondiale : Virginia Woolf, Thomas Hardy, Charles Dickens, Jane Austen, le président John F. Kennedy, la star de cinéma David Niven et lord Louis Mountbatten.
Le rendement de cette « secrétaire des esprits » est époustouflant. Son stylo a donné naissance à des lettres, des discours, des carnets intimes, des mémoires, des pièces et des livres, tous d’une écriture différente. Stella n’a pas encore trouvé d’éditeur, ce qu’elle trouve décourageant. « Je ne le fais pas pour l’argent, je voudrais juste que ces oeuvres touchent un plus vaste public. »
Des touches personnelles
Stella dit reconnaître les caractéristiques de chaque auteur. « Jane Austen a une touche beaucoup plus légère que Charles Dickens, bien qu’il soit très dynamique, et Noël Coward creuse le papier avec le stylo comme s’il jardinait. Thomas Hardy est tout à fait différent. Il serait plutôt du genre homme d’affaires ».
Rester en contact avec les auteurs quand ils dictent à plein débit peut être intimidant. « S’il s’agit d’un roman, ils peuvent écrire trois heures d’affilée. Quand Dickens a écrit sur la bataille de Waterloo, il a noirci 200 pages en deux jours ».
D’autres dictent plus lentement. Stella est très fière d’un travail inédit de Jane Austen qui commença à « transparaître » un dimanche d’août, au rythme de 2 000 mots à l’heure, et fut achevé six semaines plus tard. Elle a une pile de pièces de théâtre de Noël Coward et une « nouvelle » collection de quatre histoires de guerre par W. Somerset Maugham.
La technique de Stella pour « trouver la fréquence » des auteurs disparus est très simple. « Impossible d’entrer en contact avec eux; ce sont eux qui vous contactent lorsque vous êtes prêt. Votre esprit doit être complètement vide pour recevoir. Ils me dictent tout, mot par mot ». Stella semble être de ces gens qui apparemment écrivent sous la dictée des morts.
Les pratiquants de cet art, que dans les cercles psychiques on appelle « écriture automatique », croient sincèrement entrer en contact avec l’esprit d’écrivains disparus, soucieux de prouver que la vie ne s’achève pas dans la tombe. Pour les sceptiques, fournir une autre explication n’est pas chose aisée.
Certains comparent aux oeuvres écrites par l’auteur de son vivant celles de son « esprit », qu’ils jugent généralement inférieures. D’autres invoquent un dédoublement de la personnalité, la mémoire subconsciente, et spéculent sur la complexité du psychisme humain. En fin de compte, la plupart n’ont pu que regarder, sans comprendre, le stylo glisser sur le papier, page après page.
Source: Faits étranges et récits extraordinaires aux Éditions: Sélection du Reader’s Digest, 1989.