Au printemps 1936, dans divers endroits des États-Unis, la foule se presse pour voir passer un train inhabituel. Il s’agit simplement d’une locomotive, de deux wagons et d’un fourgon. Sa cargaison est très particulière : il s’agit d’un disque circulaire en verre d’un rayon de 5 mètres et pesant environ 20 tonne. L’engin est destiné à devenir le plus grand miroir télescopique du monde.
Le train met 16 jours pour parcourir les 4800 km qui séparent New York de Pasadena, en Californie. Il voyage uniquement de jour, à la vitesse de 40 km/h, afin que les vibrations ne brisent pas le verre. Pendant des semaines, les ingénieurs du chemin de fer surveillent la voie afin de s’assurer que l’emballage en fer contenant le disque peut passer sur les ponts et sous les tunnels, et éviter les obstacles sur la voie.
Un rêve de 5 mètres de diamètre
La création et le transport du miroir ne sont pas le premier pas dans la réalisation du rêve de George Ellery Hale, l’un des plus grands astronomes des États-Unis. Hale a déjà élaboré le plus grand télescope réflecteur du monde, placé au sommet du mont Wilson, en Californie. Achevé en 1918, cet appareil comporte un miroir de 2,5 m de diamètre. C’est alors que Hale en projette un nouveau avec un miroir ayant le double de diamètre, le plus puissant de l’époque.
Comme tous les miroirs télescopiques d’alors, celui du mont Wilson est fait d’une glace de verre, un matériau susceptible de se dilater et de se contracter selon les changements de température, et qui occasionne une distorsion provisoire. Aussi Hale cherche-t-il un matériau plus stable.
Après deux ans d’expériences coûteuses, il décide d’utiliser du pyrex résistant à la chaleur. En mars 1934, un disque en pyrex, large de 5 m, est coulé à la Corning Glass Works dans l’ouest de l’État de New York. Refroidi et durci pendant quatre semaines, il s’avère imparfait. En décembre, un second disque est coulé. Cette fois-ci, le refroidissement et le durcissement prennent dix mois. Le résultat est cette fois atteint.
Quand il arrive en Californie en avril 1936. une nouvelle phase commence. Pour lui donner la forme concave voulue, on lui retire cinq tonnes de matière. Mais la Seconde Guerre mondiale interrompt la tâche jusqu’en 1947 . Le dessous est alors recouvert d’aluminium, ce qui donne un miroir parfait.
Le reflet du succès
Pendant ce temps, le montage du miroir géant se prépare au mont Palomar. Le corps du télescope, long de 18 m et pesant plus de 120 tonnes, est destiné à bouger afin de suivre le mouvement des étoiles dans la nuit. Pesant 500 tonnes au total, l’énorme engin est monté sur des supports à huile pressurisée qui diminuent la friction. Il est abrité par une coupole rotative de 40 m de haut.
Le télescope est enfin opérationnel en 1949. En 1969, les observatoires du mont Palomar et du mont Wilson reçoivent tous deux le nom de Hale, décédé 31 ans plus tôt.
Aujourd’hui, la pollution de la ville de Los Angeles peut gâcher la vue du mont Palomar. On a construit ou commencé à fabriquer des miroirs télescopiques nouveaux et plus puissants, dont le télescope de Zelentchoukskaia, en U.R.S.S., de 6 m de diamètre. C’est à l’heure actuelle le plus grand miroir télescopique du monde. Mais, du premier jour où les observations ont débuté sur le mont Palomar, le télescope de Hale a été à l’avant- garde de la recherche dans l’espace.
Source: Faits étranges et récits extraordinaires aux Éditions: Sélection du Reader’s Digest, 1989.