Pendant longtemps, la cause du choléra resta inconnue. On invoquait la pollution ou l’air vicié, voire l’altitude au-dessus du niveau de la mer, et même la couleur des cheveux.
L’une des idées les plus bizarres fut émise dans un livre publié à Dublin en 1849. Cet ouvrage dû à un médecin, sir James Murray, portait le titre extraordinaire de : L’Électricité comme cause du choléra et autres épidémies.
Murray y développe longuement une thèse déjà avancée dans une série d’articles de l’année précédente pour le journal médical anglais The Lancet. Il y soutient, en bref, que les microbes n’existent pas (l’idée même en est rejetée comme « absurde »). Toutes les maladies contagieuses et infectieuses sont causées par un facteur unique : les perturbations électriques, le degré de celles-ci déterminant la nature de l’affection.
Il explique que des maladies comme la malaria sont dues à ” des courants électrogalvaniques perturbés… provoquant un manque d’équilibre électrique dans le corps humain”. prenant le chiffre arbitraire de 10 000 comme niveau « naturel » d’électricité, il démontre à l’aide d’un tableau détaillé qu’une perturbation de + 10 entraîne un rhumatisme aigu, de + 70 l’épilepsie, de + 100 la “manie”, de + 120 le tétanos, et de + 130 « l’éclair fatal ». Côté négatif, – 70 déclenche la grippe, – 90 la peste bubonique et – 130 « la “foudre fatale”. Murray explique également comment des nuages de décharges positives tendraient à se tenir au-dessus des gens, attirant leurs charges négatives. Ces deux “fluides élémentaires se précipitent alors l’un sur l’autre au centre du corps” – souvent avec des conséquences fatales.
Un remède puissant
Murray soutient également que l’épidémie de choléra qui frappa I’Irlande en 1832 était dû “à l’état galvanique perturbé de la terre et de l’air ” et offre plusieurs suggestions pour « alléger la densité et la pression de l’atmosphère autour des malades du choléra ». Il a découvert qu’une potion composée de camphre liquide mélangé à du « magnésium fluide » est efficace contre ce qu’il appelle “le choléra dû à l’électricité”.
SUPERSTITIONS ET COUTUMES INSOLITES
Murray préconise aussi de porter de la soie à même la peau (ou, pour les pauvres, de la flanelle). Il affirme que dormir dans des draps de soie aide “à éloigner les courants mystérieux et envahissants de l’électricité irrégulière”. Il conseille en outre de couvrir les sols humides de chaux vive pour les assécher et de placer tout autour de la maison du malade des paniers de chaux « pour calmer le galvanisme défavorable “.
Au nombre des autres protections proposées par Murray, citons les maisons construites sur des plates-formes isolées ; les lits en équilibre sur des bouteilles de verre et d’immenses piles installées autour des villes pour absorber les décharges. La quarantaine, dit-il, n’est que pure perte de temps.
Cette thèse d’un lien électricité-maladie ne manque pas de partisans. Et Murray n’est ni le premier ni le dernier à soutenir de telles idées.
Quelque 50 ans auparavant, un charlatan du nom d’Elisha Perkins avait déjà lancé sur le marché deux barres fort coûteuses qu’il appelait « tracteurs ». Chacune se composait de trois métaux, l’une de fer, argent et platine, l’autre de cuivre, zinc et or. Lorsqu’on se passe ces barres sur le corps, l’électricité ainsi générée le décharge, selon Perkins, de toutes les maladies connues.
De même, à la fin du XIXe siècle, la Compagnie des piles médicales de Londres vend des corsets électriques supposés tout guérir, de la goutte à la phtisie.
Pour farfelues que nous semblent ces idées, nous n’en sommes pas entièrement libérés aujourd’hui. Nombreux sont ceux qui combattent encore le mal des transports par une lanière métallisée fixée à l’arrière de la voiture et traînant sur la route pour décharger l’électricité statique.
Source: Faits étranges et récits extraordinaires aux Éditions: Sélection du Reader’s Digest, 1989.