L'expédition Walker contre Québec en 1711

L’expédition Walker contre Québec en 1711

(Selon les textes originaux écrits en ancien français de l’époque)

Ce fut le soir du 11 avril 1711, à 19h00, que le contre-amiral de l’Escadre Blanche, sir Hovenden Walker, accompagné par le Brigadier-Général, l’honorable John Hill, commandant les troupes de débarquement destinées au Canada, vint recevoir au Palais de St-James les ordres de la reine Anne.

Ces instructions royales étaient précises. Après avoir pris rendez-vous à Spithead, l’Amiral et le Général devaient au premier vent favorable faire voile directement pour Boston. Une fois rendu là, Sir Hovenden Walker détachait de l’Escadre un nombre suffisant de vaisseaux pour armer, équiper et convoyer les troupes de New York, du Jersey et de la Pennsylvanie qui devaient prendre part, par terre, à l’expédition du Canada, puis, une fois cette mission accomplie, renforcer sa flotte de tous les vaisseaux disponibles et remonter immédiatement le St.-Laurent pour se mettre en mesure d’attaquer Québec au plus tôt.

Embossé devant la malheureuse ville, l’Amiral anglais avait ordre d’employer toutes les forces suffisantes, tous les moyens connus pour la réduire, pendant que le lieutenant Nicholson, maintenant en route pour organiser les milices de la colonie anglaise, combinerait un mouvement qui s’exécuterait par terre.

Tout ce qu’il est donné à l’esprit humain de prévoir avait été employé pour assurer le succès de cette campagne, préparée longtemps d’avance et destinée dès l’abord, à être commandée par Tomas Hardy. Les médecins de la flotte avaient prévu que 12 mois de médicament. On avait poussé la précaution jusqu’à embarquer d’énormes grues pour hisser les canons anglais sur les remparts de Québec, et les larges vaisseaux de Sir Walker renfermaient une flottille de Flibots à fond plat, destinés à être jetés sur le lac St-Pierre pour empêcher l’ennemi de communiquer avec les assiégés et protéger en même temps (ils étaient armés en frégates) les canons et les flûtes qui amenaient les troupes de Nicholson.

Les embarras d’argent avaient même été prévus, et on avait donné droit à Walker (droit qui lui fut contesté plus tard) de tirer à vue sur les commissaires de la marine, s’il arrivait à ses équipiers de manquer de vivres ou de munitions. En cas de succès (de continuer, avec le secours du Dieu tout puissant, la Reine Anne n’avait aucune raison de douter, puisque tous les préparatifs avaient été faits, tous les ordres avaient été donnés, tous les moyens avaient été pris pour mener à bonne fin cette campagne) une force navale anglaise devait rester dans le St-Laurent, pendant que les prises faites sur les Français transporteraient en Europe le gouverneur ennemi, les troupes prisonnières, les religieux et toutes les personnes comprises dans les articles de la capitulation. Puis, quand ces choses glorieuses seraient passées dans le domaine de l’histoire Britannique, lorsque la Nouvelle-France aurait pris rang au nombre des vaisseaux de celle qui s’intitulait reine d’Angleterre, de France et d’Irlande, un ordre d’embarquement devait être donné aux troupes qui n’étaient plus nécessaires au maintien de la paix, et sir Walker s’empresserait alors de revenir, non toutefois sans avoir attaqué Plaisance, dans le cas où la saison lui permettrait d’approcher Terre-Neuve. Enfin, pour conclure, comme de tout temps il y a une pointe de commerce dans les guerres anglaises, sa Gracieuse Majesté terminerait en disant qu’une fois ces hauts faits accomplis, l’amiral licencierait les transports dont le service pouvait se passer, et leur donnerait pour mission d’aller dans les lies et les ports du continent américain, y prendre cargaison, et alléger d’autant la taxe publique, tout en faisant le bénéfice du commerce et de la richesse nationale.

Muni de ces instructions royales sir Walker s’empressa de se rendre à Portsmouth, puis Spithead, où l’attendait des vents contraires, des accidents de mâture, enfin toute cette série de contretemps qui s’abattent sur une escadre à voile, et retardent l’appareillage du lendemain au lendemain.

Une journée, c’était les officiers de la flotte qui n’avaient pas encore reçu l’ordre d’obéir à l’amiral, et ne voulaient écouter que sir Richard Whitaker, plus ancien que lui. Le lendemain, c’était l’impossibilité d’obtenir un transport pour aller chercher l’infanterie de marine à Plymouth. Puis les troupes arrivées, les vaisseaux n’avaient pas les garnitures d’ancrage nécessaires. Le gros temps s’en mettait, et la mer était trop forte pour embarquer les mortiers de siège. S’il ventait bonne brise, les navires n’étaient pas suffisamment approvisionnés. S’ils regorgeaient de vivres, au moment d’appareiller, un grain fondait su la frégate le « Devonshire », et lui rasait tous ses mats de hune, pendant qu’une seconde frégate le « Swiftsure » perdait ses mâts de perroquet. Le grain passé, le calme prenait, et pendant que toutes ces contrariétés fondaient a tire d’aile sur la flotte, le secrétaire St-John (plus tard Lord Bolingbrake) ne cessait de dépêcher courrier sur courrier à l’amiral, pour lui dire que c’était le bon plaisir de Sa Majesté de le voir prendre la mer au plutôt.

Enfin, à faire écrire, de donner des ordres, et d’éreinter des courriers, tout devint prêt, et ce fut le 29 avril, à 4 heures du matin, que l’amiral Walker quitta son mouillage par un vent frais est-sud-est, pour continuer cette longue série de contrariétés, d’hésitations et de malheurs, qui devait se terminer le long des falaises de l’Île-aux-Oeufs. Conformément à ses ordres, l’amiral mettait cap sur Boston, où il était allé 25 ans auparavant, en 1686.

À bord, sur 12 000 hommes d’embarquement, tous (l’Amiral et le Général exceptés) ignoraient l’objet de l’expédition. À 153 lieues des Iles Scilly, distribuer à chacun de ces capitaines un pli cacheté, contenant le nom du lieu où l’escadre devait se rallier. Pourtant, ces précautions avaient été inutiles, et le précieux secret avait été mal gardé.

Le 2 mai, Walker ayant été forcé par une saute de vent d’ancrer à Plymouth, pendant que les transports se réfugiaient à Catwater, un matelot français embarqué sur le « Midway », un renégat qui prétendait avoir fait 4 voyages dans la rivière du Canada, ayant entendu dire dans un des caboulots de la ville qu’une flotte destinée à la conquête de la Nouvelle-France était de passage en ce moment, se fit offrir à l’Amiral anglais pour le guider à Québec.

Walker épouvanté, se pris à dissimuler devant lui, assurant qu’il allait croiser dans la baie de Biscaye, et le fit embarquer à bord de « Humber », avec ordre de bien le traiter, ce qui devait être du goût de ce nouveau Palinure, car le Colonel Vetch, donnant plus tard des notes sur le compte de ce transfuge, écrivait du détroit de Canse à l’Amiral, que le pilote français lui faisait non seulement l’effet d’un ignorant, d’un prétentieux, d’un cancre et d’un ivrogne, mais encore qu’il était sous l’impression qu’il tramait en sa tête rien qui vaille.

Walker comptait beaucoup sur l’expérience de cet homme pour éviter les dangers de la navigation du St-Laurent, dangers que son imagination exagérait au point de croire qu’une fois l’hiver venu, le fleuve ne formait, jusqu’au fond, qu’un bloc de glace. La lettre du Colonel venait de détruire une de ses plus chères illusions. D’ailleurs, les contrariétés continuaient à s’acharner sur le malheureux officier.

À peine en mer, Sir Walker s’apercevait d’une impardonnable distraction: le transport « Mary » avait été oublié à Catwater avec une partie du régiment du Colonel Disney. Par une nuit d’orage, le mât de misaine du « Monmouth » était emporté comme une paille. La marche de l’escadre se voyait continuellement retardée par les transports qui marchaient comme des sabots; par tous les temps, il fallait lui faire passer péniblement des câbles de remorque. Dans un cas pressé, était-il urgent de communiquer avec le Général Hill embarqué sur le « Devonshire », celui-ci souffrait trop du mal de mer pour s’occuper de choses sérieuses.

L’indiscipline alla jusqu’à se mettre de la partie. Malgré la défense formelle de se séparer de la flotte et de courir sus aux voiles ennemies, un soir, près du banc de Terre-Neuve, le Capitaine Buttler du « Dunkirk » et le Capitaine Sloannes de « l’ Edgar », 2 officiers qui avaient pour consigne l’importante fonction de répéter les signaux de l’Amiral aux vaisseaux de l’escadre, se couvrirent de toiles et appuyèrent vivement la chasse à un petit navire marchand qui louvoyait sur l’horizon. Alors, il fallait sévir; un conseil de guerre était réuni, et de ces deux vieux officiers qui auraient pu être si utiles en montrant l’exemple, l’un, le Capitaine de « l’ Edgar » (parce qu’il fut constaté que le secrétaire de l’Amiral avait oublié de lui communiquer la consigne) se voyait réprimandé sévèrement et retranché trois mois de solde, l’autre (celui du « Dunkirk ») était renvoyé du service.

Malgré ces déboires, le 25 juin, après 58 jours de mer, l’Amiral Walker arrivait devant Boston, où l’attendaient des fêtes brillantes et de lamentables déceptions.

En mettant pied à terre, sir Hovenden sembla devenir le lion de la Nouvelle-Angleterre. L’ouverture des cours de l’université de Cambrige se faisait le 4 juillet sous sa présidence. Le 5 et le 10 du même mois, il assistait au défilé des troupes d’infanteries de marine, passées en revue sur Noodles Island, par le Général Hill. Le 24, il se rendait à Roxbury faire l’inspection d’un régiment de miliciens, destiné à l’expédition du Canada. Le 19 et le 23 c’était une série de bals et de dîners donnés à bord de « l’Humber », en l’honneur des chefs indiens du Connecticut, ainsi que des « Mohocks » (NDLR: Mohawks) reçus à bord du Vaisseau-Amiral au bruit du canon, de fanfares et des Hourras de l’équipage. Ces derniers, qui formaient 5 nations, furent l’objet d’une distinction spéciale. Sir Walker voulut bien trinquer avec leurs Sachems, et les chefs pour ne pas rester en arrière de courtoisie, portèrent un toast à l’amiral: « Depuis longtemps nous nous attendions à contempler les merveilles que nous voyons maintenant. Nous sommes dans la joie en songeant que la Reine a pris un tel soin de nous, car nous commencions à désespérer. Maintenant nous ferons tout notre possible et nous espérons que dorénavant les Français seront vaincus en Amérique.

Les ragoûts et les collations fines se succédèrent ainsi à la file, qui à bord de l’escadre, qui chez le gouverneur, qui chez les officiers supérieurs de la colonie, jusqu’au moment où il a fallu parler d’affaires sérieuses.

Il s’agissait maintenant de trouver et d’embarquer en toute hâte, 4 mois de provision pour 9385 soldats et matelots destinés à l’expédition navale contre la Nouvelle-France.

Un seul homme dans Boston pouvait fournir une aussi importante commande, c’était le capitaine Belcher, négociant riche et rusé, qui en peu de temps avait su se rendre maître du marché de la Nouvelle-Angleterre, et le contrôlait à sa guise. Tout en prêtant l’oreille aux propositions de l’amiral, et en gagnant du temps par des promesses, Belcher avait réussi à accaparer tout le sel disponible, et avait pris à sa solde tous les boulangers de la ville, si bien que le jour venu pour exécuter son contrat, il était en mesure de faire ses conditions lui-même et d’exiger de l’argent comptant. Les bouchers se mirent de la partie; ils ne voulaient livrer leur viande que contre espèces sonnantes.

Néanmoins à force de correspondre, de rager et de se faire du mauvais sang, l’amiral Walker était à la veille de voir sa flotte en mesure de se mettre en campagne, lorsqu’une dernière humiliation fondit sur lui. Les pilotes ramassés à grands frais dans toutes les criques et les baies de la Nouvelle-Angleterre se faisaient tirer l’oreille, et prétendaient ne plus connaître le Golfe St-Laurent. Bref, ils se cachaient, ou refusaient d’embarquer, et il fallut un « warrant » royal pour les consigner à bord.

Ce fut dans ces tristes circonstances, et après avoir épuisé toutes ses ressources à se chicaner comme un clerc d’huissier que l’amiral Walker appareilla le 30 juillet 1711. Une flotte splendide le suivait, et derrière lui 77 navires de haut bord sortirent des passes de Nantasket, et prirent orgueilleusement la haute mer.

À bord, tous étaient dans la joie. Le temps était clair, il ventait frais et bon, comme disait les marins, et Dieu daignait enfin sourire à cet amiral anglais qui, malgré la paix existante alors entre la Reine Anne et le Roi très chrétien, s’en allait, pour satisfaire un royal caprice, porter la torche et l’épée dans le pays de nos pères. Dans ces temps, hélas, le paradoxe était une arme subtile entre les mains du pouvoir. Anne n’était pas femme à rester en arrière, et dans un jour de spleen, elle s’était mise en tête que les Français établis au Canada et obéissants au prétendu titre de Sa Majesté le Roi de France, étaient tout autant ses sujets que s’ils furent nés dans la Grande-Bretagne ou en Irlande. Ces sentiments avaient trouvé un écho fidèle chez l’amiral Walker, et il s’était occupé à consigner dans une ronflante proclamation, bien longtemps avant que sa flotte, âpre à son œuvre de destruction, se fût mise à courir toutes voiles dehors la poulaine tournée vers Québec.

À la hauteur du Cap-Breton, « l’Edgar », sur lequel était hissé le pavillon amiral, fut rejoint par le « Chester » qui mit à son bord le capitaine Paradis. Ce dernier commandait le « Neptune » de La Rochelle, petit navire de 120 tonneaux, armé de 10 canons, portant 70 hommes, dont 30 destinés, à la garnison de Québec. Il avait amariné quelques jours auparavant par le Capitaine Matthews (vieux loup de mer, qui avait fait 2 naufrages dans le Golfe et en était rendu à son 4e voyage au Canada), le Capitaine Paradis connaissait son St-Laurent par cœur, et décidément le ciel semblait se ranger du coté de l’amiral, en jetant sur sa route pareille pilote. Une récompense de 500 pistoles (soit 250 Louis) dont 100 pistoles d’arrhes fut promise au Capitaine Paradis, s’il voulait se faire le lamaneur de la flotte; une fois rendu à Québec, le prix du « Neptune » devait lui être payé en entier, et sa vieillesse mise à l’abri du besoin.

Le HMS Enterprise
Le HMS Enterprise

Pendant tous ces pourparlers, un temps précieux se perdait. La frégate le « Chester » venait de briser son étambot, il fallut le réparer. Plus de 16 pieds de la fausse quille de « l’Humber » ayant été emportée, on ne put songer de l’abattre en carène, et 2 plongeurs furent chargés de l’examiner et de faire rapport. La frégate le « Sapphire » était expédiée à Annapolis avec 2 compagnies de miliciens. Sur la demande du gouverneur de la Nouvelle-Angleterre, ces troupes étaient destinées à relever l’infanterie de marine; mais sir Charles Hobby, gouverneur de cette dernière ville, gardait le tout en homme prudent, et malgré des ordres formels, ne laissait pas échapper cette belle occasion de renforcer sa garnison. Soldats et matelots désertaient par escouades, et ce bel amour de la vie au grand air était devenue tellement épidémique, qu’un soir, à bord du transport la « Reine Anne « , 6 soldats, parmi lesquels le maître cantonnier et le maître d’équipage commandés par le 2e lieutenant, mettaient une chaloupe à la mer s’enfuyait à force de rames. L’assemblée du Massachusetts, effrayée des proportions que prenait ce sauve-qui-peut général, avait, il est vrai, promulgué une loi sévère contre les déserteurs; mais le gouverneur Dudley semblait à tout instant vouloir entraver les projets de Walker.

L’amiral essaya alors la diplomatie. Un jour, le 9 juillet, il transmit à la flotte de déployer les voiles du petit hunier, pour faire croire aux autorités qu’il commençait l’appareillage, et aiguillonner ainsi le patriotisme des Bostonnais. Cette manœuvre les laissa aussi froid que le reste, et à bout de patience, Walker finit par écrire vertement au gouverneur Dudley, et part lui dire que le peuple de la Nouvelle-Angleterre vivait comme au temps où il n’y avait pas de roi en Israël, chacun se conduisait à sa guise et faisant du patriotisme et de la grandeur nationale une question secondaire à ses intérêts.

À partir de ce moment, les rapports entre ces 2 personnages devinrent de plus en plus aigres.

-Je suis d’avis, et tous les officiers de la marine et du corps de débarquement partagent mon opinion, écrivait de nouveau l’amiral au gouverneur, au lieu d’aider et de hâter le départ de la flotte, l’a entravé autant que possible. Comment pourrez-vous vous défendre contre aussi grand nombre de témoins et contre des faits aussi évidents? Lorsque le parlement anglais fera une enquête sur votre conduite, et qu’il lui sera démontré le peu d’aide que vous avez donné à la partie navale de cette expédition, il y aura alors un tellière d’indignation, que la Nouvelle-Angleterre pourrait fort bien se repentir de son inaction. Lorsqu’avec la protection de Dieu je suis arrivé ici, j’espérais que les instructions royales auraient été suivies à la lettre, que les transports et les pataches de cette colonie auraient été armés et approvisionnée de suite, que mes cadres auraient été complétés, et que chacun aurait fait preuve de patriotisme en me permettant de reprendre la mer au plus tôt. Le contraire est arrivé, rien n’est prêt : mes hommes m’abandonnent, et avec mes seuls déserteurs j’aurais pu équiper vos transports. Jamais toute l’astuce du gouvernement de la Nouvelle-Angleterre ne pourra faire croire à la Reine et à son conseil que la colonie n’eut pu me donner 400 matelots. Mon séjour sera court ici : avec la bénédiction de Dieu, j’espère mettre à la voile demain ou lundi au plus tard, et tout ce qui peut arriver de malheur, je le mets sur le compte du gouvernement de la Nouvelle-Angleterre.

–Liberavi abimam meam.
–en date de  » l’Edgar « , le 21 juillet 1711.

Enfin, la prise du « Neptune », convoyée à 100 lieues et plus du large de Finistère par une flotte sous le commandement de Duguay-Trouin, vint ajouter aux transes de l’amiral, et en date du 27 juillet il transmettait au gouverneur une liste des vaisseaux ennemis, tous en lui écrivant :  » Je vous donne avis que dans les cas où je quitterais cette rade en aussi mauvaises conditions, et que j’irais me heurter à Monsieur Duguay, comme cela est tout probable, s’il se propose de venir ici, je mets sur le compte de la colonie tous les accidents qui pourrait m’arriver par le manque de matelots.

Voici la liste exacte de la flotte de Walker:

Vaisseaux Amirals:l’Edgar 70 canons, le Windsor 60 c., le Montague 60 c., le Swiftsure 70 c., le Sunderland 60 c., le Monmouth 70 c., le Dunkirk 60 c., l’Humber 80 c., le Devonshire 80 c.. 8 bateaux de guerre.

Transports: Recovery, Delight, Eagle, Fortune, Reward, Success Pink, Willing Mind, Rose, Life, Happy Union, Queen Anne, Resolution, Marlborough, Samuel, Pheasant, Three Martins, Smyrne Merchant, Globe, Colchester, Nathanael & Elizabeth, Samuel & Anne, George, Isabella Anne Catherine, Blenheim, Chatam, Blessing, Rebecca, Two Sherrifs, Sarah, Rebecca Anne Blessing, Anna, Jeremie & Thomas, Les Barbades, Anchor & Hope, Adventure Contant, Jean & Marie, Speedwell, Dolphin, Elizabeth, Marie, Le Basibe, La Grenade, Goodwill, Jean & Sarah, Margerite, Dispatch, Four Friends, Françis, Jean & Hannah, Henriette, L’Antilope, Hannah & Elizabeth, Friends Adventure, Marthe & Annah, Jeanne, L’Unité, et le New Castle. 55 Transports.

L’Enterprise de 40 canons, le Saphire de 40 c., le Kingston de 60 c., le Léopard de 54 canons et le Chester de 54 canons, ainsi qu’une prise, le triton, rejoignirent l’amiral dans le Golfe. Quant au Léostoff et au Deversham, frégates de 36 canons, personne n’en entendit plus parler.

Pour être justes envers le prisonnier de Walker, les documents et les mémoires du temps ne mentionnent pas s’il accepta ou refusa. La seule chose qui soit parvenue jusqu’à nous, c’est que Paradis au dire même de l’amiral ne se gêna nullement pour lui faire un sombre tableau des misères et des intempéries qui l’attendaient dans la Nouvelle-France. Ces avis concordaient avec ce que le premier lieutenant du « Neptune » expédié à Boston à bord de la prise du « Chester, avait déjà assuré à l’Amiral:
« Si vous vous aventurez dans le St-Laurent, lui disait-il, avec pareille flotte, vous y perdrez tous vos vaisseaux. »

Sur le moment, Walker crut que ces paroles n’étaient qu’une ruse de la part d’un français qui voulait sauver son pays de l’invasion, mais bientôt l’idée d’être obligé d’endurer peut-être les rigueurs d’un hiver canadien se prit à hanter continuellement le cerveau de l’Amiral, et plus tard ce cauchemar lui faisait écrire une de ses meilleures pages. Mais en ce moment tout entier à ce que lui disait Paradis, et se rappelant en même temps la conversation du lieutenant du « Neptune » , Walker devint soucieux, et la brise venant à tourner grand frais, il prit la résolution de se mettre à l’abri dans le havre de Gaspé. Un navire français de la Biscaye était là, en train de se charger de poissons pour l’Europe. On s’en empara; et comme le lendemain, il fallait faire d’inutiles efforts pour le touer au large, l’ordre fut donné de la saborder, de mettre le feu aux habitations du bassin, de détruire les provisions qu’on y trouverait, et de faire prisonnier tous ceux qu’on rencontrerait, pendant que le « Saphire » et le « Léopard » iraient brûler Bonaventure, qui ne furent sauvés que par un calme plat.

Amère dérision des choses humaines. Qui aurait dit en ce moment au chevalier Sir Walker Contre-Amiral de l’escadre blanche, que ce méchant lougre coule à fond et cette dizaine de baraques réduites en cendre seraient les seuls souvenirs que sa formidable armada laisserait aux flots oublieux du St-Laurent, l’aurait-il cru?

>Un vent frais poussa bientôt l’escadre hors du bassin de Gaspé, mais en le débouchant la brise fléchit, le calme se fit, et bientôt une pluie fine se mit à tomber, pendant qu’au large le brouillard se faisait. Bientôt il enveloppa la flotte, ne laissant voir que de fois à autre les voiles d’une frégate ou d’un transport qui tâchait de garder autant que possible sa ligne de bataille, pour éviter le boulot que chaque commandant de division avait ordre d’envoyer, dans le cas où il s’en séparerait. Ceci dura toute la journée du 22 août. Mais le soir le vent se prit à souffler en foudre, le brouillard devint plus intense, la sonde ne mordait pas et comme depuis le mardi les vigies n’avaient pas signalé la terre, on calcula par estime, qu’on serrait de près la côte-nord.L’officier de Loch venait de faire un erreur de 15 lieux. Paradis consulté fut alors d’avis de mettre en panne avec les armures à bâbord, tout en ayant soin de se tenir la tête au sud au moyen du perroquet d’artimon et du grand hunier.

2h30 se passèrent à faire cette manoeuvre, et l’Amiral venait de se mettre au lit, quand tout à coup, le capitaine de « l’Edgard » crut entrevoir la terre. D’après de nouveaux calculs, il était arrivé à la conclusion que c’était la côte sud, et courante avertir son supérieur, il reçut l’ordre de faire des signaux à la flotte pour qu’elle virât immédiatement arrière, et recommençât la même manoeuvre avec les armures à tribord.

Un jeune officier du régiment du Général Seymour, le CAP. Goddard, se trouvait alors sur le gaillard d’arrière. Il aperçut la mer déferler et se briser sous le vent, au moment où « l’Edgard » faisait son abattée, et tout effrayé se précipita dans les appartements de l’Amiral en lui criant: Sir Hovenden nous sommes entourés de récifs.

L’Amiral se prit à plaisanter M.Goddard sur sa frayeur, lui assurant que le CAP. de sa frégate, M. Paddon, était encore plus compétent pour les choses de mer qu’un officier d’infanterie, et lui souhaita le bonsoir.

>Mais le fantassin ne se tint pas pour battu. Pendant cette conversation avec son supérieur, les brisant avaient grandi; un tumulte terrible se faisait sur le pont, et oublieux de l’étiquette pour ne songer qu’au salut de tous, le CAP. Goddard rentrant de nouveau dans le carré de Sir Hovenden, le supplia au nom de Dieu de monter son banc de quart.

L’Amiral s’y rendit gaiement « in gown and slipper », en robe de chambre et en pantoufles.

« L’Edgar » était à la veille de talonner. Tout le monde avait perdu la tête; personne ne savait où était allé Paradis; la frégate faisait chapelle s’était laissé coiffer et avait rejeté les brisant sous sa hanche, pendant que pour le comble de malheur, le CAP. Paddon hors de lui avait dégagé une ancre qu’il fallut couper immédiatement.

La lune sortie alors du brouillard et montrant distinctement la Côte-Nord permit à l’Amiral de rassurer un peu ses hommes. Sur ces entrefaites, Paradis, que l’on avait réveillé, fit transmettre l’ordre de hisser toutes les voiles. Il fallait sortir de là couvert de toiles, ou chavirer.

« L’Edgard », sous la main fermé du CAP. canadien-français, se pencha sur les brisants, fit une seconde abattée plongea fermement ses écubiers sous la lame et sortit.

Pendant toute cette nuit-là, séparé de l’escadre, l’Amiral courut dans le sud, puis à matin, en reprenant sa bordée, il fit la rencontre du « Swiftsure », qui lui apprit une partie de l’immense désastre, que nous ne connaissons plus que sous le nom du naufrage de l’anglais.

À ce rapport vint bientôt se joindre celui du CAP. Alexandre du « Chatam », il était navrant.

8 gros transports de 2316 tonneaux et 3/4 ancienne jauge-« l’Isabella Anne Catherine, le Samuel & Anne, le Nataniel et Elizabeth, le Marlborough, le Chatam, le Coltchester, le Content et le Marchat de Smyrne étaient venus s’éventrer sur l’Île-aux-Oeufs, pendant cette nuit terrible. Les CAPS: Richard Vayly, Thomas Walkup et Henry Vernon s’étaient noyés. Jusqu’à présent, 884 cadavres jonchaient les criques de l’île et les sables de la côte du Labrador; et 3 frégates, « le Windsor,l’Eagle et le Montague », n’avaient évité une perte totale, qu’en se réfugiant, sans le savoir, dans la passe ou « le Napoléon 3″ ancre d’habitude lorsqu’il ravitaille le phare de l’île. Par ce désastre les régiments des colonels Windresse, Kaine et Clayton, ainsi que celui du général Seymour, entièrement composés de vétérans de l’armée de Marlborough, se trouvaient presque anéantis; et l’on reconnut sur la grève 2 compagnies entières des gardes de la Reine, qu’on distingua à leurs casaques rouges.

Quel était le chiffre exact des pertes de l’amiral Walker ? Nul ne le saura positivement, mais ce que l’historien peut rappeler sans faire crieur, c’est que dès son arrivée à Boston, Sir Hovenden demandait au gouverneur  » Dudley  » 4 mois de rations pour les 9385 hommes qu’ils amenaient d’Angleterre. Puisque lors du conseil de guerre tenu sur l’opportunité d’attaquer Plaisance, après le naufrage de l’Île-aux-Oeufs, il déclara ne plus avoir que 3802 hommes à bord de la frégate et 3841 sur ses transports, soit un total de 7643 matelots et soldats.

Or, d’après le rapport de l’amiral Walker 200 hommes embarquèrent sur le « Chatam « , 150 sur le « Marlborough », 246 sur le « Marchand de Smyrne », 354 sur le « Coltchester », 188 sur le « Nathaniel et Elizabeth », et 150 sur le « Samuel Anne » soit un total de 1420 hommes, tous ces vaisseaux plus le content , qui n’est pas mentionné dans cette pièce justificative, périront sur l’Île-aux-Oeufs, et en faisant la part de la maladie et des désertions. Nous pouvons sans exagérer mettre 1100 le nombre des noyés et des manquants à l’appel le lendemain de la triste nuit du 22 août.

Ce soir-là, la tempête s’était rappelée qu’elle avait jadis dompté l’orgueil d’un autre amiral anglais, sir William Phipps, en lui arrachant plus de 1000 hommes et lui brisant 38 vaisseaux , 20 minutes lui suffisent pour faire cette nouvelle œuvre de destruction, et sauver la Nouvelle-France de l’étreinte de l’Anglais.

Atterré par son incroyable désastre, l’amiral Walker enjoignait au CAP. Cook du « Léopard » de croiser autour de l’île et de sauver ceux qu’il pourrait pendant que lui-même courrait des bordées toute la nuit. Le lendemain, il dépêcha le « Monmouth » avec ordre de chercher mouillage sûr dans les environs pour la flotte ; mais sur le rapport négatif de l’officier de ce navire, et sur l’aveu des pilotes qui se reconnurent incapable de conduire l’escadre dans la baie des Septs-Îles, l’amiral donna l’ordre de répartir les survivants sur le reste de ses vaisseaux, et réunit son conseil de guerre. On était alors à 6 lieux ouest-sud-ouest de la pointe des monts Pélées.

Tous les capitaines et les pilotes furent sommés de se rendre auprès du pavillon amiral, hisser temporairement à bord du « Windsor ». Les minutes de cette séance dysentérique, sir Hovenden présida et que les officiers présents furent le Robert Arris du « Windsor », le CAP. John Mitchel du « Monmouth », le CAP. Gore du « Dunkirk « , le CAP. George Paddon de « l’Edgar », Le CAP. John Cockburn du « Sunderland », et le CAP. Augustin Rouse du « Sapphire ». La discussion débuta sur un ton d’aigreur; quelques officiers allèrent jusqu’à reprocher à sir Walker de ne pas les avoir consultés, avant le départ de Boston. L’amiral fut hautain. Le CAP. Bonner, pilote de « l’Edgar » et M. Miller, pilote du « Swiftsure », insistèrent sur les dangers qu’offrait le passage de l’Île-aux-Coudre près de Québec. Leurs camarades vinrent à la suite les uns des autres avouer leur incompétence, et il fut résolu à l’unanimité d’abandonner toute tentative sur Québec, et de s’en aller à la Rivière Espagnole au Cap-Breton, pendant que le « Léopard », en compagnie d’un Bring le « Four Friends » et d’un sleep le « Blessing », continuerait à croiser le long du sinistre.

Au Cap-Breton, les tâtonnements et les pertes de temps recommencèrent, Walker n’osait plus retourner en Angleterre sans tenter un coup de main sur Plaisance; et d’ailleurs, ses instructions étaient positives là-dessus. Beaucoup d’officiers furent de cet avis; mais le général Hill fit à ce projet une forte opposition. On eut recours encore une fois à un conseil de guerre, et il fut résolu à l’unanimité, vu que l’on n’avait plus que pour 11 semaines de vivres – les hommes étaient mis à la demi-ration – de faire voile vers les côtes Anglaises. Mais avant de partir, l’amiral crut prudent de prendre possession de cette terre au nom de la Reine Anne, en remplaçant les armes de France par une inscription latine gravée en forme de croix.

Tout était maintenant au complet, puisque cette croix qui se dressait sur le Cap-Breton faisait face à l’entrée de ce golfe et de ce fleuve St-Laurent, devenu le morne tombeau des Anglais, et remplaçait celle que Walker avait oublié de laisser sur la côte déserte du Labrador.

Ainsi se termine cette terrible expédition armée à si grand frais, et sur laquelle la Reine Anne et ses ministres reposèrent tant d’espérance. La désertion des équipages, l’indiscipline des officiers, l’incompétence des pilotes, l’incroyable jettatura de l’amiral et surtout le manque de patriotisme coup de main sur Québec, mais incapables de faire le moindre sacrifice pécuniaire pour aider Sa Majesté à mener à bonne fin pareille entreprise, furent les causes premières des désastres de cette campagne qui, long de prendre la Nouvelle-France, comme on l’espérait, ne fut qu’une source de lucre pour elle.

« On crut envoyer à l’Île-aux-Oeufs ramener leurs dépouilles », dit la sœur Jeanne-Françoise Juchereau de St-Ignace, dans son histoire de l’Hotel Dieu de Québec ; et M. Duplessis, receveur des droits de M. l’amiral, ainsi que M. de Montsaignat, agent de la ferme, affrétèrent une barque et engagèrent 40 hommes, à qui ils donnèrent un aumônier et des provisions de vivres pour aller passer l’hiver dans cet endroit, afin qu’au printemps ils tirassent tout ce qu’ils pourraient. Ils partirent en 1711 et revinrent en 1712, au mois de juin, avec 5 bâtiments chargés. Ils trouvèrent un spectacle dont le récit fait horreur ; plus de 2000 cadavres nus sur la grève qui avaient presque tous des postures désespérées : les uns grinçaient des dents, les autres s’arrachaient les cheveux, quelques-uns étaient à demi enterrés dans le sable, d’autres s’embrassaient. Il y avait 7 femmes qui se tenaient par la main et qui apparemment avaient péri ensemble. On sera étonné qu’il se soit trouvé des femmes dans ce naufrage. Les Anglais se tenaient si assurés de prendre ce pays qu’ils en avaient déjà distribué les gouvernements et les emplois ; ceux qui devaient les remplir amenaient leurs femmes et leurs enfants afin de s’établir en arrivant. Les Français prisonniers qui étaient dans la flotte y en virent quantité qui suivent leurs pères ou leurs maris, et grand nombre de familles entières qui venaient pour prendre habitation.

« La vue de tant de morts était affreuse, et l’odeur qui en sortait était insupportable ; quoique la marée en emportât tous les jours quelques-uns, il en restait assez pour infecter l’air. On vit qu’ils s’en étaient mis dans le creux des arbres ; d’autres s’étaient fourrés dans les herbes. »

« On en vit les pistes d’hommes pendant 2 ou 3 lieux ce qui fit croire que quelques-uns avaient été rejoindre plus bas (actuellement le bout du banc) leurs navires. Il devait y avoir de vieux officiers; car on trouva des commissions signées du Roi d’Angleterre, Jacques 2, réfugié en France dès 1689. Il y avait aussi des catholiques, car parmi les hardes il se trouva des images de la Ste-Vierge. »

« On rapporta des ancres d’une grosseur surprenante ; des canons, des boulets, des chaînes de fer, des habits forts d’étoffés, des couvertures, des selles de chevaux magnifiques, des épées d’argent, des tentes bien doublées, des fusils en abondance, de la vaisselle, des ferrures de toutes les sortes, des cloches, des agrès de vaisseaux et une infinité d’autres choses. »

« On en vendit pour 5000 livres. »

« Tout le monde courait à cet encan ; chacun voulait avoir quelque chose des Anglais. »

« On y laissa beaucoup plus qu’on en put enlever ; cela était si avant dans l’eau qu’il fut impossible de tirer tout ce qu’on y vit. On en rapporta 2 ans après pour 12000 livres, sans compter tout ce qu’on avait été ailleurs, ce fut assez » ajoute naïvement la sœur St-Ignace, pour nous faire espérer que nos ennemis ne nous attaqueraient plus et pour affermir notre confiance en Dieu.

À Québec l’effet de ce désastre fut immense. La nouvelle y était parvenue dès le 19 octobre 1711. C’était M. de la Valtrie qui de retour du Labrador, l’avait annoncée le premier, et nos pères voyant que la colonie venait d’être sauvée d’une perte certaine, ne purent contenir leur joie. Le vocable de la petite église de la basse ville de Québec, Notre-Dame-de-la-Victoire, fut chargé par la ville reconnaissante en celui de Notre-Dame-des-Victoires.

L'expédition Walker contre Québec en 1711
Une peinture d’un navire HMS Edgar, mais ce n’est pas celui de cette incident

On ne parlait plus que de la merveille opérée en notre faveur, dit une chronique du Temps; les poètes épuisèrent leur verve pour rimer de toutes les façons sur ce naufrage. Les uns étaient historiques et faisaient agréablement le détail de la campagne des Anglais; les autres satyriques et raillaient sur la manière dont ils s’étaient perdus. La parnasse devint accessible à tout le monde; les dames même prirent la liberté d’y monter; quelques-unes d’entre elles commencèrent et mirent les Messieurs en train, et non seulement les séculiers, mais les prêtres et les religieux faisaient tous les jours des pièces nouvelles.En Angleterre, le retour de l’expédition de l’amiral Walker sema la honte à la cour et le deuil dans les familles. La main de Dieu ne cessa de s’appesantir sur le malheureux sir Hovenven. À peine arrivé à Londres pour se rapporter à l’amirauté, une estafette l’y rejoignit et lui annonça la plus terrible des nouvelles. « l’Edgar », belle frégate de 70 canons, montée par 470 marins d’équipe, et qui avait navigué sous le pavillon amiral pendant une partie de la campagne, venait de faire explosion en rade à Portsmouth. Pas un homme, pas un officier, pas un document n’avaient été sauvés; et il ne restait pas même une épave pour être déposée plus tard au Musée Britannique et y indiquer une frégate du nom de « l’Edgar » avait existé dans la marine royale. (Parmi ces documents se trouvait l’original du journal tenu par sir William Phipps lors de son expédition de Québec). Qu’ajouter de plus à cette série de malheurs ?

Pendant quelques années, sir Walker, henni et ridiculité par tous – lorsque collègue le général Hill, qui, il est vrai, était le frère de Madame Masham, favorite de la Reine Anne, se voyait honoré d’un commandement – vécu dans la retraite à Somersham, près de St-Ives Huntington. Ses vieux camarades de l’amirauté qui avaient servi avec lui ou sous lui, oublieux de sa captivité en France et de ces 28 années de commandement, pour ne plus se souvenir que du naufrage de l’Île-aux-Oeufs, refusèrent pendant 2 ans de régler ses comptes sous prétexte que les pièces significatives s’étaient perdues sur « l’Edgar », puis l’année suivante, sans aucun avis préalable, ils le retranchèrent de la liste des amiraux, et lui ôtèrent sa demi-solde. Enfin un jour que l’amiral était de passage à Londres, un journal, Le St-James Post, ayant annoncé qu’il avait été arrêté à sa résidence de Newington Steak, par ordre de la Reine, mais trop loyal pour se mettre dans la triste position de pouvoir porter un jour les armes contre l’Angleterre, se décida, le cœur navré à quitter son implacable patrie pour se rendre dans la Caroline du Sud, y cultiver une plantation.

Là encore les sarcasmes et la haine compatriotes poursuivirent le prescrit Anglais.

À sa grande surprise, après son désastre, l’amiral Walker avait été assailli à Boston par une avalanche de brochures plus violentes les unes que les autres. J’ai dit à sa grande surprise, car sir Hovenden, qui rêvait d’éclipser la gloire de Drake et de Cavendish, en s’emparant de Québec, pensait sérieusement être récompensé pour avoir ramené les restes de l’expédition. Dans ces brochures, le gouverneur Dudley, le colonel Nichelson, tous les New Englanders s’en donnèrent à cœur joie sur le compte du malheureux amiral, et bientôt elles parvinrent jusqu’en Caroline, où elles attisèrent tellement les passions populaires contre lui, que sir Walker fut obligé d’aller chercher refuge aux Barbade

Néanmoins, petit à petit ces haines et ces rancunes de l’orgueil anglais blessé se turent. Le calme se refit dans cette brisée. Dès 1720, sir Walker put faire imprimer une justification et un rapport complet sur sa triste expédition, et ce journal fut accueilli avec assez de faveurs, si l’on en juge par la rareté de ce bouquin, devenu presque introuvable aujourd’hui. Bientôt l’oubli se fit autour du vieil amiral et revenu dans la Caroline, il finit par s’éteindre tranquillement dans sa plantation, en l’année 1725, aux aïeux des muses qu’il cultivait avec un certain succès, et entourés des éditions de son poète favori, Horace, qui lui avait fourni l’épigraphe de sa défense

Soit fort dans la détresse, et si ta bonne étoile
Fais naître enfin pour toi des vents moins désastreux,
À ces protecteurs dangereux
Ne livre qu’à demi ta voile.
Faucher de St-Maurice

Fin

Source: Vincent Deroy


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Depuis août 2012, je fouille sur le web à la recherche des cas paranormaux les plus étranges pour le site www.paranormalqc.com dont je suis le Rédacteur en chef. Handicapé de naissance, j'ai aussi été secrétaire-trésorier du musée de mon village pendant 6 ans et demi.

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